30e dimanche ordinaire C — 22-23 octobre 2016
Luc 18, 9-14
Imaginez une cathédrale complètement vide. Deux hommes y entrent. L’un va s’installer au début, au premier rang peut-être, et l’autre tout au fond. Une longueur d’église les sépare… Est-ce vraiment important ? Parce qu’en réalité, tous les deux font la même démarche, ils ont le même souci : prendre un peu de recul, prier. Alors, qu’est-ce qui les oppose ? « L’un était pharisien et l’autre publicain ».
Jésus ne se préoccupe pas de sous-peser les mérites de chacun. Il ne se demande pas qui a tort et qui a raison. Il les regarde prier. Et que voit-il ?
Que le pharisien entre au Temple comme il se rend à la banque. Il vient y faire un dépôt et retirer ses extraits. Il ne triche pas, il ne spécule pas. Non. Il se réjouit de constater qu’il gère bien ses affaires et que son compte est suffisamment garni, même si les taux d’intérêt ne sont pas très élevés par les temps qui courent.
Le publicain, beaucoup plus voleur que le pharisien, et qui gagne bien plus d’argent que lui, ne vient rien déposer à la banque. Il n’épargne pas. À la limite, je le soupçonne de jeter son argent par la fenêtre et de le dépenser avec Dieu sait qui. Sur quoi porte donc l’opposition ?
Tout simplement – si j’ose dire – sur la relation à Dieu. Il y a, dans cette histoire, une tension fondamentale entre la prière du début : « Mon Dieu, je te rends grâce » et celle de la fin : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ! » Le premier dit merci et le second appelle au secours.
C’est beau de dire merci. Seulement voilà : il n’y a pas assez de distance dans le merci du pharisien. Il dit merci pour lui, pour sa chance, pour sa bonne santé. Dieu n’est plus que son conseiller en placements spirituels.
Le Dieu du publicain est un peu plus loin. Il ne le fréquente pas beaucoup.
Mais il ne l’enferme pas non plus. Il ne le fixe pas à résidence derrière un guichet.
Il l’appelle : « Mon Dieu, prends pitié ».
Dans la vie, la vôtre, la mienne – vous le savez bien – la coupure n’est pas radicale entre le pharisien et le publicain. N’est-ce pas à l’intérieur de chacun de nous que passe la frontière ?
Il suffirait d’un rien pour que le publicain remercie : « Mon Dieu, je te rends grâce, parce que tu m’accueilles comme je suis ».
Il suffirait d’un rien pour que le pharisien supplie : « Mon Dieu, prends pitié du pharisien que je suis ».
Ainsi, le pharisien reculerait un peu, le publicain s’avancerait un peu… et les deux se retrouveraient, côte à côte, vers le milieu de la cathédrale.
Oui, il suffirait d’un rien pour que deux prières traversent les nuées en se donnant la main.