Apprivoiser ses deuils pour être bien vivant. – 28 octobre 2017

Le samedi 28 octobre dernier à Farnières, le philosophe Jean-Michel Longneaux nous a fait réfléchir sur la notion de deuil au départ de la philosophie. Ce fut un riche moment !

La philosophie a souvent pour origine une expérience de deuil. Ainsi, Platon entame sa démarche philosophique suite à la condamnation à mort de Socrate.

D’emblée, Jean-Michel Longneaux insiste sur l’importance de la verbalisation afin de pouvoir trouver une solution à la difficulté vécue.

Le sens commun du deuil fait référence au décès mais il existe bien d’autres deuils. Ainsi, la fin d’une histoire d’amour, des enfants qui grandissent, la perte d’un emploi, une maladie peuvent être des situations vécues comme autant de deuils. Des moments heureux peuvent aussi être vécus comme tels. Il peut en aller d’un mariage voire d’une naissance.

On pourrait donc définir le deuil comme une situation de rupture. Il y a donc un avant et un après. La rupture va donc conduire à une nouvelle situation.

Mais de quoi fait-on le deuil ?

Tant que l’on explique le deuil par la personne, la situation, la chose perdue nous restons à la surface des choses. On ne parle pas de soi. On ne dit pas pourquoi la nouvelle situation rencontrée est difficile pour nous. On fait donc toujours le deuil par rapport à soi. Le soi pouvant être vu sous 3 angles.

Tout d’abord une rupture quant à sa propre identité. Je ne suis plus le mari de (pour une séparation), je ne suis plus le collègue de (pour la perte d’un emploi), ….

Deuxièmement, une rupture dans la manière dont j’étais en relation avec les autres.

Finalement une rupture quant à son rapport à l’avenir, quant aux projets que j’avais avant ce changement.

Le deuil va donc consister à accepter que :

  • la nouvelle situation est différente de celle que je vivais avant (accepter de quitter ce que l’on est déjà plus, accepter ce que l’on a déjà perdu) ;
  • la nouvelle situation va modifier la manière dont je suis en relation avec les autres ;
  • la nouvelle situation va modifier mon rapport quant à l’avenir (mes projets).

Jean-Michel Longneaux définit donc le deuil comme un travail psychologique et social par lequel un homme ou une femme meurt à ce qu’il n’est pas ou plus, pour renaître à ce qu’il est ou ce qu’il est devenu.

Il s’agit donc bien d’un travail c’est-à-dire une démarche active. La passivité à la nouvelle situation rencontrée ne va conduire qu’à de l’accommodation (« on s’habitue »).

Ce travail doit donc se faire sur deux niveaux. Un travail personnel d’acceptation (dimension psychologique) mais qui doit passer par au moins quelqu’un d’autre (dimension sociale). En effet, si l’on n’ose pas parler véritablement du problème à quelqu’un d’autre c’est que le problème n’est pas réglé.

Les deux dimensions de ce travail vont permettre à la personne qui vit cette rupture d’apprivoiser ce qu’il est vraiment ou ce qu’il est devenu. Finalement, aimer ce que l’on est maintenant.

Lors de la rupture à laquelle nous sommes confrontés, la vie antérieure est arrêtée. Au cours du processus de deuil, véritable période de transition, nous faisons des choses anormales. Nous n’acceptons pas la nouvelle situation et nos comportements sont modifiés. L’entourage doit suspendre ses jugements quant à ces comportements qui peuvent être de trois ordres. Il s’agit de :

– la fuite ;

– la colère et la violence ;

– la dépression.

Il arrive souvent que deux personnes vivant une même situation ne vont pas adopter un même comportement.

Une personne qui fuit va par exemple multiplier les divertissements, va faire de nouvelles activités, ….

La colère et la violence traduisent une souffrance, une incapacité à accepter ce qui se produit. Ne pas l’exprimer engendrera une bombe à retardement. Tôt ou tard elle sortira soit sous forme d’une explosion soit sous la forme d’une implosion (violence contre soi).

La violence peut (doit) donc être exprimée dans les limites du respect de l’intégrité de tous.

Enfin, la dépression traduit un repli sur soi, une déconnexion de tout.

Ces comportements traduisent donc le refus de ce qui s’est passé mais grâce à l’entourage (dimension sociale) l’enjeu est d’essayer que la personne puisse verbaliser ce qu’elle n’arrive pas à quitter afin qu’elle puisse se remettre en mouvement.

Que découvre-t-on dans les deuils ?

Jean-Michel Longneaux explique que la situation de rupture vécue est souvent perçue comme ayant la couleur de l’injustice mais elle nous révèle notre condition humaine.

Cette rupture nous révèle que nous sommes des êtres finis, que nous ne sommes pas tout-puissants. Elle nous révèle aussi notre solitude (à ne pas confondre avec l’isolement). Nous avons besoin de relations mais on est toujours seuls et nous ne pourrons jamais vraiment connaître l’autre. Enfin, la rupture nous révèle l’incertitude de l’existence (rien n’est dû à personne, la vie peut tout me reprendre).

Le double travail du deuil nous amène à confronter nos désirs à la réalité. Apprendre à aimer ce que l’on est c’est accepter notre finitude, notre solitude et l’incertitude de notre existence.

Les rêves et les désirs sont certainement des moteurs de notre existence mais nous devons arrêter de prendre nos désirs pour la réalité. Le travail du deuil consiste donc à réconcilier désirs et limites !

Pour ceux qui souhaiteraient écouter Jean-Michel Longneaux sur le thème « apprivoiser nos deuils » sachez qu’il sera possible de participer à un cycle de 6 conférences qui auront lieu sur le site d’Helmo sis quai du Condroz, 28 à Angleur du 24 janvier 2018 au 20 juin 2018. Informations et inscriptions : verviers@palliatifs.be et info@psppl.be
(tarif : 1 conférence 10 euros et l’abonnement aux 6 conférences 50 euros).

 

Pierre Simon.


Jean-Michel Longneaux, philosophe et professeur à l’Université de Namur, propose d’aborder le deuil sous différents aspects, lors de 6 soirées ouvertes à tous :

  • 24 janvier 2018 – De quoi fait-on le deuil ?
  • 21 février 2018 – Quelle place pour les émotions ?
  • 21 mars 2018 – Un deuil ne se vit jamais seul.
  • 18 avril 2018 – Ce que révèle le deuil : notre finitude.
  • 30 mai 2018 – Ce que révèle le deuil : notre solitude
  • 20 juin 2018 – Ce que révèle le deuil : l’incertitude de l’existence.

Pour consulter le détail de la présentation des futures conférences début 2018 de Mr Jean-Michel Longneaux : cliquez ICI

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