Un édito de Francis Van de Woestyne – dans La Libre du 31 octobre 2018
Ils sont en nous. Ils sont dans nos larmes, dans nos cris, dans nos soupirs, dans nos silences. Dans nos joies, aussi. Ils sont partout.
Pour toujours.
Nos morts nous accompagnent, ils cheminent à nos côtés : enfant mort avant d’avoir vu le jour, bébé à peine né, jeune qui trottine, écolier souriant, ado naissant, jeune adulte, père éphémère, mère fière, tout juste grand-mère, mamy sans souci, presque centenaire… Nous les aimions à la folie, nous les voulions à nos côtés jusqu’à notre dernier souffle. Ils sont partis avant nous, sans raison, nous laissant dévastés, tordus de douleur, glacés d’effroi.
Peu importe la manière dont ils nous ont quittés : morts par accident, par maladie, par attentat, mort volontaire. Ils ne sont plus là pour nous parler, nous prendre la main, nous caresser la joue, nous faire rire aux larmes ou trembler de plaisir. Ils ne sont plus ici pour ensoleiller nos vies et donner un sens à nos projets. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Parce que. Il n’y a pas, il n’y aura jamais de réponse à ces questions qui nous emplissent de doutes, qui nous empêchent de dormir et parfois de vivre.
Ils ne sont plus là, ils sont ailleurs. Leur vie a pris fin mais leur histoire continue. Il faut parler des morts, raconter leur vie, se souvenir de leurs joies, de leurs voix, de leurs humeurs, de leurs heures parfois si brèves sur terre. Il faut en parler parce que taire leur nom, c’est les faire mourir une deuxième fois. Il faut en parler, pas seulement en cette semaine de novembre, mais toute l’année, de janvier à décembre. Et recommencer.
Ils sont en nous, au bord de nous. Jamais ils ne quitteront nos pensées, notre esprit, notre corps. Nos morts sont parfois si vivants en nous que ceux qui nous côtoient nous trouvent étranges, nous croient dérangés, obsédés à leur souvenir. Mais c’est ainsi. Il ne faut jamais croire, pas même une seconde, que tout passe, qu’on se lasse de penser à eux. Un jour, un mois, un an, dix ans : tous les jours, c’est le lendemain de leur mort. Comment éviter le pire, périr aussi ? Heureusement, il y a des mots, des mains, des regards qui soulagent et nous portent. Nos morts sont en nous, au bord de nous. Pour toujours. Évidemment.
Francis Van de Woestyne