Ce dimanche, exceptionnellement, les lectures ont été préparées et analysées par un groupe de paroissiens. C’est ce groupe qui s’est chargé de l’homélie. Cela lui donne un accent particulier, qui mérite d’être publié sur notre site paroissial.
Évangile (Lc 15, 1-3.11-32)
ENFANT PRODIGUE
L’évangile de ce jour commence par « EN CE TEMPS-LA » … et pourtant ce n’est pas d’une histoire à la « Il était une fois » qui nous est contée, mais c’est de Notre histoire qu’il est question, celle du 31/03/2019, 4 ème dimanche du temps de carême.
Alors mettons-la au goût du jour, si vous le voulez bien, et laissons-nous emmener dans une interprétation qui nous fera même passer par Johnny Hallyday…… Et que nous dit-elle cette histoire ? Comme dans toute histoire digne de ce nom, il y a une trame, avec un début, puis un milieu avec un changement qui modifie la situation initiale et une fin qui nous donne les effets de ce changement… Seule la conclusion (ou la morale) manque…. Ce sera à chacun de nous de l’écrire.
Le début : une famille de 3 personnages : 1 père, (pas de mère) ( le père fait donc manifestement office de père et de mère, en réunissant les qualités de l’un et de l’autre) ) et 2 fils : l’un gentil, respectueux des conventions et l’autre plus « turbulent », dirons-nous …, mais, sans doute, tous deux aimant leur père…… comme dans des situations que nous pouvons connaître dans notre entourage.
Le mouvement de l’histoire commence quand un des fils (le jeune, turbulent) veut VIVRE SA VIE, profiter tant qu’il est jeune (!) : Qui n’a pas connu, ou eu, un jeune désireux de prendre une année à l’étranger, en fin d’humanité, ou de vivre en kot ou de faire un voyage qui le distancie de ses parents ? Il ne demande pas vraiment l’avis de son Père, mais il est prêt à l’affronter s’il le faut (pas forcément par opposition, ni par haine, mais parce qu’il ne veut plus continuer ainsi. IL A BESOIN DE CHANGEMENT(!), de devenir autonome, de faire son expérience … Il va loin puisqu’il va jusqu’à le tuer (au sens figuré), en lui demandant son héritage, comme s’il était déjà mort, mouvement de rupture s’il en est …..
Étonnant : le père refuse l’affrontement, il ne discute même pas (c’est beau l’amour !), pas la moindre rouspétance. IL NE BOUGE PAS ! Plus encore, non seulement, il donne la moitié de ses biens au fils turbulent, mais, par soucis d’équité, il donne l’autre moitié au Bon Fils et se dépouille complètement. (Peut-être pouvons-nous ici nous attarder une seconde sur ce BON fils. Pourquoi est-il qualifié de BON ? Sans doute parce qu’il respecte son père, parce qu’il continue à faire fructifier le patrimoine, il reste dans les règles de bonne conduite et reste à la maison ? Nous remarquerons toutefois qu’il ne refuse pas sa part et qu’il la prend tout de même …)
Vous connaissez la suite : le Bon fils travaille dur à la maison, fait fructifier ce qui est devenu son bien et garde le Père chez lui… Le Père, quant à lui, continue à ne PAS BOUGER, si ce n’est qu’il se rend tous les jours sur la route (on dirait maintenant sur ses mails ou Whatsapp) pour avoir des nouvelles de son fils manquant, puis rentre triste de ne pas en avoir eus…. Le soir, son fils aîné rentre du travail et le retrouve. Sans doute lui trouve-t-il un air triste, mais, avec l’habitude, le voit sans vraiment le voir dans le train-train agité de la vie…. un peu comme un adulte, fidèle à sa mère ou son père et qui lui rend visite, parfois quotidiennement en maison de repos …
Le Cadet, lui, s’est bien amusé pendant ce temps-là, puis se rend compte qu’il n’a plus grand-chose et finalement, plus rien, après avoir dilapidé tous les biens du père et les voir «vidés de leur substance» ….. Il meurt littéralement de faim et découvre, pour la première fois de sa vie, ce qu’est LE BESOIN ! Et ce n’est qu’à partir de ce besoin, que tout va changer, pour tout le monde ! Le BESOIN est l’élément moteur qui provoque le changement d’état dans cette histoire.
– Chez le Cadet : C’est ce besoin qui fait revenir le fils près de son père et qui fait prendre conscience à ce jeune à quel point, le fait d’avoir toujours tout eu, parfois avant même d’en avoir envie, l’a complètement anesthésié, l’a rendu aveugle, l’a fait passé à côté de tellement de choses et sans doute de l’essentiel … Si cela se trouve, il pense peut-être à la chanson de Goldman, chantée par Johnny Hallyday (voilà Johnny !). Je cite des passages : «qu’on me donne l’obscurité pour que j’aime la lumière – qu’on me donne la faim, la soif, puis un festin – qu’on me donne le froid pour que j’aime la flamme – pour que j’aime ma terre qu’on me donne l’exil – qu’on me donne la haine pour que j’aime l’Amour – La solitude aussi pour que j’aime les gens – Pour que j’aime être sain, vaincre la maladie » – Chanson dont le refrain est «on m’a trop donné, bien avant l’envie, j’ai oublié les rêves et les MERCIS, qu’on me donne l’envie d’avoir envie… qu’on allume ma vie»
– Le fils aîné: L’aîné n’a pas bougé de chez lui, il n’a pas éprouvé ce qu’est le besoin, il ne comprend pas sur le moment… il n’a pas eu à ressentir l’amour de son Père, car la situation n’a pas été critique pour lui. Il ne voit donc plus l’amour de ce père, ni ses manifestations ( tu ne m’as même pas sacrifié un chevreau). A y réfléchir, n’est-ce pas le comportement de beaucoup de chrétiens qui restent dans le respect des règles, restent dans leur zone de confort et finissent peut-être par être anesthésiés par leurs habitudes confortables et rassurantes ? Le retour de son frère, guidé par le besoin, et la réaction de son Père provoquent chez le fils aîné le sentiment d’être trahi par son père, un sentiment d’injustice et de colère … un peu comme cet adulte qui visite son parent en maison de repos quotidiennement, ressent une injustice profonde quand il voit les yeux de ce parent habituellement éteints, se réveiller et s’illuminer quand arrive un autre enfant qui ne vient presque jamais… Un choc donc, qui le déstabilise, le met en crise et lui fait prendre conscience de son propre besoin d’amour
– le Père : il bouge 2 fois dans cette histoire :
– il sort pour trouver son fils aîné, il va vers ce fils qui vient de découvrir le besoin et le berce de paroles d ‘amour
– il sort sur le bout du chemin et attend son cadet. Il fond de joie à sa vue et lui passe la bague au doigt. Il lui donne le sacrement de réconciliation, cité 5 fois dans le court texte de St-Paul.
Il attend, mais, comme le berger, va chercher la brebis égarée, sans pour autant ne plus aimer les 99 autres ..
Et à qui est-elle adressée, cette histoire ? Aux Pharisiens et scribes qui reprochaient à Jésus de parler aux publicains et pécheurs ? Les Pharisiens se sont-ils retrouvés dans le personnage du fils aîné ? Et les Publicains ainsi que les pécheurs, se sont-ils retrouvés dans le fils cadet ?
Et nous, chrétiens du 31/03/2019, n’est-ce pas à nous que cette histoire est adressée ? Où nous retrouvons-nous ? Dans cet aîné qui reste dans sa zone de confort et n’éprouve pas de besoin, ou dans ce cadet qui prend le chemin du départ, le seul qui permet un retour ?
Au jeune homme riche, comblé et pas du tout dans le besoin, Jésus a dit qu’en tout, il était bien, mais il ne lui manquait qu’une seule chose : se séparer de ses richesses et se mettre dans le besoin pour le suivre.
La plupart d’entre nous, nous sommes riches d’une société imparfaite, mais confortable pour beaucoup. Nous sommes riches d’amour de proches bienveillants à notre égard, nous sommes riches d’un Dieu qui bougera quand nous auront pris conscience de nos besoins. Cette richesse est là, en permanence… Apprenons à en éprouver le besoin, pour pouvoir la redécouvrir.
Josué nous dit que Dieu a cessé d’apporter la manne céleste quand son peuple a pu subvenir à ses propres besoins . Alors, redécouvrons le Besoin en quittant notre zone de confort et comme disait St-Paul , « LAISSONS-NOUS NOUS RECONCILIER AVEC DIEU ».