Confinés et en communion

Qui l’aurait cru? Deux semaines sans eucharistie et cela va se prolonger. Deux semaines où l’on a pour seul toit sa maison et pour seule relation réelle, sa famille. Masqué, ganté, faisant attention à la moindre toux et au moindre éternuement de son voisin. Tout nous alerte et le mal semble être partout. On a peur de manquer du nécessaire, on en veut pour preuve la ruée vers des solutions hydro alcooliques et vers des papiers hygiéniques, PQ de son petit nom. « Ami du genre humain, ils sont devenus fous » chante Sardou dans Vladimir Ilitch.

Deux semaines déjà ou juste le temps de réapprendre que « la vie est un court voyage en pays étranger, et il faut la passer jusqu’au bout dans la décence, puis suivre son destin à tout le moins de bon cœur, sinon en chantant le péan ».[1] Chanter le péan, oui, c’est le cas de le dire, puisque  le péan est un chant ou un poème lyrique en action de grâce ou célébrant le triomphe. Péan est à l’origine le nom d’un dieu guérisseur dans la mythologie grecque. On veut être guéri de ce mal, y triompher pour éclater en action de grâce ou en guindaille pour fêter la fin de cette trêve.

Deux semaines pour se réapproprier certaines lectures si souvent reléguées au second plan par faute de temps. Deux semaines pour reprendre conscience que « le petit toit que forment les livres lorsqu’on les entrouvre, tranche tournée vers le ciel, est le plus sûr des abris ». (Chantal Thomas).

Nous sommes éprouvés, nous constatons que nous sommes tout petits devant l’invisible virus, à défaut de nous reconnaitre petits devant Dieu. Faut-il que nous ayons mal pour constater notre splendeur et nos limites ? Faut-il que nous ayons peur de disparaitre pour constater l’importance de l’autre ? C’est le monde à l’envers !

Cette pandémie n’a franchement rien à nous apprendre. Il serait malheureux de l’utiliser comme une leçon de vie et une occasion de faire la morale. Gardons-nous de cette tentation. Prenons soin de nous au lieu de faire usage du Corona pour décoiffer nos manières de vivre et régler nos comptes en faveur du climat ou de la décroissance économique. Prenons ce mal au sérieux et n’en faisons pas une plaie d’Egypte ou un châtiment de la postmodernité.

Unissons-nous pour vaincre ce mal. Faisons montre de notre grandeur d’âme et continuons à approfondir de nouvelles manières de faire communion, de faire communauté au-delà du contact physique.

Nous aurons du plaisir à nous retrouver après l’orage et nos liens ne pourront que devenir plus forts.

B. Rodney


[1] Cfr. Platon, Axiochos ou sur la mort, dans Œuvres Complètes, Flammarion, Paris 2008, pp. 93-101.

Les commentaires sont fermés.

Créez un site ou un blog sur WordPress.com

Retour en haut ↑