Corona, d'où viens-tu?

Le bruit se répand comme une traînée de poudre que tu tires ton origine des habitudes alimentaires des chinois qui dévorent des chauves-souris et des pangolins, d’où l’expression « virus chinois » si souvent utilisée par le Président Américain. Les autorités chinoises ne manquent pas d’imagination et pensent que le virus provient des Etats-Unis et a été répandu en Chine lors des Jeux Militaires mondiaux à Wuhan. Certains commentateurs, peut-être plus catastrophistes ou plus avisés pensent que tu as été méticuleusement fabriqué en laboratoire. Face au mal, chacun y va de sa petite interprétation. On ne t’impute pas encore d’origine divine sous forme de punition au genre humain et c’est heureux. Cela signifie que nous nous reconnaissons, peu ou prou, responsables de ton existence.

Peu importe ton origine, un fait est certain, tu sévis, tu fais souffrir et tu jettes nombre de familles dans le deuil. Nous, postmodernes, qui avons fait des prouesses au niveau médical, tu nous subjugues. Cela me fait dire avec Rémi Brague, que la Modernité et la postmodernité, malgré leurs indéniables succès n’ont pas les moyens de répondre à la légitimité de l’humain. Elles se sont rendues capables de produire de la prospérité, de la justice, de la culture, donnant ainsi une réponse pratique à la question de la vie bonne, ou à tout le moins de la bonne vie ; en revanche, elles se révèlent incapables de dire pourquoi il est bon qu’il y ait des hommes pour vivre une telle vie.[1] Il est question ici de l’importance de l’homme dans cet univers et du respect mutuel qu’on doit se témoigner, mais aussi de prendre soin de cette vie qui nous a été donnée.

À quoi servirait la beauté du monde s’il n’y avait pas des yeux humains pour la contempler ? Quelle est l’importance du progrès si l’humanité ne peut en jouir ?

Mon cher Corona, si tu devais être vraiment fabriqué en laboratoire, ou être une fuite bactériologique accidentelle venue tout droit d’Hawaï, je me demanderais à quoi sert la science et quelle est sa mission ? À détruire l’homme ou à lui procurer un mieux être ? Si tu devais avoir ton origine dans nos mauvaises habitudes alimentaires, je me demanderais à quoi servent la table et l’alimentation ? Est-ce à nous réunir pour partager la joie ou à signer notre arrêt de mort ? Je me demanderais aussi si tout est bon à manger. Enfin, je me demanderais quelle est la pertinence de ce fameux énoncé du livre de la Genèse : « Et Dieu vit que tout cela était bon ». Zut ! « Bon » ne signifie pas comestible. La liberté a ses limites.   Corona, d’où viens-tu exactement ?

                    B. Rodney


[1] Cfr. Rémi Brague, Modérément moderne. Les Temps Modernes ou l’invention d’une supercherie, Flammarion, Paris 2014, p. 47.

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