Lazare, mon frère! 5e dimanche de Carême

Lazare (El-azar, « Dieu a aidé ») Confiné au tombeau…

Coup d’œil historique : Les coutumes d’ensevelissement en Israël, tout spécialement chez les riches de Jérusalem, avaient connu un développement particulier durant les cent années précédant la destruction du Temple (en 70 par Titus). Celui qui en avait les moyens faisait creuser un tombeau de famille dans le rocher, nous fait remarque Simon Claude Mimouni, illustre chercheur en sciences religieuses, historien. Cette pratique était assez répandue et très importante pour la foi de ceux qui croyaient en la résurrection, par exemple : les pharisiens.

Pour l’ensevelissement d’un mort dans un tombeau de famille taillé dans le roc, on enveloppait de linges le cadavre et on le couchait sur un banc spécialement aménagé dans la pierre. Au bout d’un an, le corps s’effondrait; les ossements étaient alors mis dans un coffre spécial, une espèce de petit cercueil en argile ou en pierre, appelé ossuaire (Cfr. Fredi Winkler, nouvelles d’Israël). Il fallait s’assurer que rien ne manque dans l’ossature humaine à l’heure de la résurrection, c’est un point de doctrine dans la foi juive au sujet de la résurrection. Aujourd’hui en Israël, les tombes sont bétonnées pour éviter que les os se dispersent d’où les sévères protestations des juifs orthodoxes, lorsque des sépultures sont ouvertes lors de fouilles archéologiques. Donc c’est bien normal que la tombe se trouve dans un rocher, et cela signifie aussi que cette famille faisait peut-être partie de la classe moyenne ou des riches de l’époque. C’est un détail.

Ceci étant posé, revenons aux textes de ce dimanche. Le prophète Ezékiel, se faisant le messager de Yahvé déclare : « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël ». Logiquement, pour chacun de nous, l’expression « remonter / sortir du tombeau » signifie « ressusciter » et donc accessoirement ne plus être sur la terre. Mais alors quel est le lien avec le reste de la phrase « je vous ramènerai sur la terre d’Israël » ? Est-ce que le tombeau ne serait pas le symbole de quelque chose d’autre ? D’un autre enfermement ou confinement ?

La remontée de Lazare du tombeau semble avoir d’autres sens. Primo : Jésus rompt avec la tradition et demande à ouvrir le tombeau avant le terme fixé. Sa venue dans notre chair porte tout à sa maturité et à sa plénitude, les promesses anciennes se réalisent en lui ; l’humanité n’est plus dans l’attente. Secondo : La sortie de Lazare de son confinement serait une impulsion aux Juifs d’alors à sortir des anciens schémas hérités, à se débarrasser des scories du passé dans lesquels ils étaient emprisonnés afin d’accueillir la nouveauté.

Par contre, la phrase que le narrateur met dans la bouche de Jésus, prise littéralement, est difficilement acceptable : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Il faudrait plutôt lire : « La maladie de Lazare donne une occasion supplémentaire de manifester l’œuvre de Dieu dans une ville où Jésus a failli être lapidé ».

Lors de mes visites à domicile comme stagiaire Assistant Social, combien de fois n’ai-je pas entendu cette phrase : La maladie de ma mère / mon père a permis ma réconciliation avec mon frère / ma sœur. Désormais, la fratrie doit s’unir pour faciliter la mise en place de l’aide sociale et des soins à domicile et s’organiser pour garder les parents malades, en absence des aides familiales et des gardes à domicile. Je reconnais toutefois que le contraire est aussi vrai !

Enfin, dans ouvrage l’Histoire des origines du christianismeErnest Renan analyse l’épisode de la résurrection de Lazare et propose deux hypothèses sans supposer l’intervention de causes surnaturelles : a) Lazare n’était pas mort, mais malade. À la vue de Jésus, il s’est remis sur pied.

b) L’ardent désir de fermer la bouche à ceux qui niaient outrageusement la mission divine de leur ami entraînerait la famille de Lazare (passionnée de Jésus) au-delà de toutes les bornes. Peut-être Lazare, pâle encore de sa maladie, se fit-il entourer de bandelettes comme un mort et enfermer dans son tombeau de famille ». « Fatigués du mauvais accueil que le royaume de Dieu trouvait dans la capitale, les amis de Jésus désiraient un grand miracle qui frappât vivement l’incrédulité hiérosolymite. La résurrection d’un homme connu à Jérusalem dut paraître ce qu’il y avait de plus convaincant ». Son interprétation n’a pas fait que des heureux.

La sortie de Lazare, son décloisonnement, son dé-confinement a inauguré l’esprit d’ouverture et le vent nouveau que Jésus est venu apporter. L’église est en sortie, elle n’est pas prisonnière du passé.

Puisse chacun de nous retrouver sa liberté. Quittons nos tombeaux, faisons tomber non chaines et lançons-nous dans l’aventure tumultueuse de la vie sous la lumière du ressuscité.

Rodney B.

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